6! RECUP D'ESCARRES-MA CURE DE REEDUC FONCTIONNELLE
"R" comme REPAS - REGIME - REFECTOIRE.
La mythique pâtisserie d'en face!!!
Avant de commencer cet article qui me réjouit car il me rappelle des fous rires, je voulais remercier les blogueurs habitués ou non qui m'ont écrit des mails de soutien!
Ca fait chaud au coeur de se savoir autant entourée , portée par tant d'affection, d'amitié. MERCI!
Hop! Revenons à nos moutons.
Je vous ai raconté comme on me donnait des compléments protéinés pour que je refasse du muscle, de la chair, de la peau pour cicatriser mes escarres.
Au centre hospitalier, les candidats au régime venus uniquement pour cela ont été sidérés quand ils ont vu que j'étais à la table "repas léger", qui est la catégorie juste après "normal". Je n'étais pas au régime. Quand je leur ai dit d'un air malicieux que je mangeais des poudres pour gens dénutris, en situation de famine, j'ai cru qu'ils allaient me lyncher! Quand, enfin, lors d'une visite de ma nièce un dimanche dans la cafeteria, notre immense salle commune, j'ai dégusté une part de mousse à la fraise et une patate fourrée vanille
, j'ai bien cru y passer lol! Z'ont failli me bouffer! En tout cas, du regard!
Et puis, ils m'ont mieux connue, ont compris que j'étais là pour les escarres. Et pour me requinquer ensuite, avec ma SEP. Respect, compassion, pitié, peine... Les regards ont changé. Puis on a été potes!
Puis, mon toubib, voyant que je récupérais vite, a proposé que je profite du séjour pour faire régime. Ach! Quelle idée! Pfffff! Ayant déjà donné (ou plutôt perdu), dans le même centre, il y a 13 ans (j'avais perdu énormément de poids en rentrant, mais repris les années suivantes jusqu'au début de ma SEP) et il y a 3 ans, j'ai repensé aux endives amères, aux salsifis acides, aux blettes et autres légumes sans saveur bouillis... 
J'ai tressailli, frémi d'horreur. Mes papilles se sont contractées. Néanmoins j'ai accepté. J'ai senti que mon toub allait trouvé ça bien. Presque héroïque. On ne rigole pas, je l'aime bien moi mon toub!
Le petit dej et le dîner, je les prends en chambre. Dès que je maîtriserai mon appui total sur les 2 pieds pour me transférer dans mon fauteuil seule, que je n'aurai plus besoin de rail ni de soulève-malade, ni de solliciter le personnel, je dînerai au réfectoire comme à midi.
En chambre, le soir, les serveurs sont toujours souriants, charmants, gentils. Ce n'est jamais la même personne, il y a un système de roulement.
J'ai réclamé aux inf un godet à médocs avec couvercle à emporter au réfectoire. En fait, il me sert à tout autre chose qu'à trimballer mes cachets. Il trône sur ma tablette, une substance poudreuse suspecte à l'intérieur. Odorante. Un aide soignant (super mignon, brun à lunettes) a fini par demander de quoi il s'agissait. Avec un grand sérieux, l'air penaud, j'ai dit: "Le répétez pas, c'est du shit!" Il a soulevé le couvercle, sourcils froncés, a senti avant de rire. Ben c'est un mélange d'ail semoule, de poivre gris et d'échalotes en poudre, piquée au réfectoire pour améliorer l'assaisonnement de ma salade du plateau du soir, car en chambre je n'ai pas accès aux extras présents sur la table au réfec. J'ai aussi de la moutarde de Dijon, de l'édulcorant en rab pour le café et le fromage blanc (j'ai déclaré que le yaourt me provoquait des pustules sous les fesses, on m'a octroyé le fromage blanc, pas dupe sur mon allergie bidon!) Décidément, l'équipe me croit capable de tout! Faut dire que je raconte beaucoup de conneries pour rigoler.
Dernier jour à ma table habituelle au réfectoire, splendide grande salle à la vue panoramique sur la forêt de pins. Viande de veau, patates duchesse, légumes... Soudain, un des serveurs passe avec son chariot chargé d'assiettes débordant de... frites!!!!! Euh! C'est quoi ce délire?! (il doit y en avoir une fois tous les 2 mois et encore, pas pour tout le monde!)
En fait, les "repas normaux " avaient la même viande, les légumes, mais....des frites! Scandaleeeee!
Ici, il faut que je précise que les patients sont regroupés en fonction de leur consommation calorique: normal, normal léger (comme moi), normal sans sucre, 1600 calories, puis 1400 (j'y suis actuellement), 1200 et même 1000 calories. Et surtout que tous les patients qui ne sont pas au "normal" tout court (la majorité!) ont tous un réflexe, un rite qu'ils pratiquent à plusieurs reprises au cours du repas: guetter les serveuses et serveurs en tenue et leurs chariots, jeter un oeil inquiet, voire déçu ou fâché sur les assiettes qui arrivent ou qui nous passent devant le nez mais sont destinées à la table voisine!
Drôlissime, imaginez ce ballet de chariots, les serveurs en tenue impeccable de service, les jupes des dames, les noeuds paps des messieurs, et nous, penchés en arrière à tour de rôle, la tête penchée... Chorégraphie de chaises penchées pour mieux voir, de cous tendus, petits cris, valse gracieuse des chariots portant la vaisselle qui émet bruit de porcelaine, cliquetis de couverts, son clair de la verrerie...
Voilà que la table voisine reçoit les frites. 
A ma table, une enseignante en allemand comme moi, mais haut-rhinoise (le centre appartient à la mutuelle de l'Educ Nat mais les profs y sont rares) s'offusque: elle est toute mince et aurait bien mangé les frites! Et moi donc! Les deux messieurs à notre table aussi! En état de choc en réaction à cette criante injustice, nous suivons le trajet des frites, bouche ouverte, yeux écarquillés. Je commente: "En plus ils sont rachos à la table voisine, ils n'auront pas faim, ils ne vont pas les finir, c'est du gâchis!" En plus, j'ai eu raison! Snif. On a replongé nos regards sur nos patates. (les "régime" n'avaient même pas de patates mais cela nous l'ignorions). En farfouillant dans mon plat, surpriseeeeeeeeeeeee! Une frite, que j'ai empalée triomphalement sur ma fourchette lol! Et brandie fièrement, comme un trophée en proclamant: "J'en ai une, hahaa, elle a dû tomber, vite, je la mange avant qu'on me la reprenne!" Eclats de rire à la ronde. J'ai promené ma fourchette au nez et à la barbe de mes camarades de tablée, les faisant humer et saliver sadiquement, eux feignant de protester. J'ai enfoncé le clou: "MMMmiam! C'est pour qui la bonne frifrite? C'est pour..." Large geste de ma fourchette loin de moi, feinte, avant de la ramener à ma bouche qui s'est refermée férocement dessus: "... moua!!!" Cris indignés de mes potes de tablée! Rires! Puis, je me suis laissée glisser sur mon fauteuil avec délice, une expression orgasmique sur le visage, je crois d'ailleurs avoir dit: "Mmmm la vache ce que c'est booooooooooon! A y est, j'ai un orgasme!" Rires!!! Le serveur qui est passé à ce moment-là m'a regardé d'un air...(censuré). Je me suis vite redressée.
Le moment culminant de chaque repas au réfectoire est le moment du dessert: suspense insupportable. 4 desserts différents. Ca va de la part de Forêt-Noire 
(tarte allemande dont on raffole) à la pomme, en passant par le yaourt nature! Et chacun salive, espère, prie, guette, jette un regard suppliant à la serveuse, avant la déconvenue...
Palpitant! Je ne m'en lasse pas. Faut voir nos têtes, c'est vidéo gag!
En plus, les serveurs taquins en jouent: font mine de vous servir la tarte et hop, ah non, erreur! Au dernier moment, elle vous file sous le nez. Grrr! Faut dire qu'on les connaît à force et qu'on a de bonnes relations avec eux. Mais ils sont impitoyables. Incorruptibles lol! On a tout essayé: "Vous avez commis une erreur" (y a nos noms sur nos places pour qu'ils sachent quoi servir à qui), on a planqué nos noms... Le serveur s'excuse: "Ah oui, pardon!" avant de poser quand même le yaourt mais en commençant par notre voisin! Feinte! Grrr! On cracherait bien dessus pour garder le dessert, mais bon, c'est dégueu! Parfois, quand le serveur a le dos tourné, on fait mine d'attraper le bon dessert sur le chariot, mais le temps est toujours trop court!
J'ai donc rejoint une table de "ronds".
J'ai une amie ronde ici, l'âme de Trois-Epis, une personnalité attachante, fine et jeune d'esprit malgré son âge déjà... bref! Elle est là depuis des mois vu le poids qu'elle a à perdre. On rit avec L., elle est tordante.
On avait de la choucroute, même les "régime", on avait même du porc dégraissé. Les légumes sont à volonté. Les "normaux" avaient des saucisses et du lard en plus. Elle a demandé du rab de chou. Le serveur s'exécute, revient avec le plat et demande: "Vous reprendrez bien quelques saucisses avec ça?" On a éclaté de rire, L. l'a foudroyé du regard. Je vous rassure: c'est un jeu, du second degré. Ils nous taquinent, on provoque. On réclame des frites au passage devant la cuisine. Les cuistots sont pliés de rire. Quand on a du mal à identifier ce qu'on a dans l'assiette, on est infects! ("Ohla! Du gloubiboulga! C'est quoi ce coulis sur le flan au faux chocolat de régime? Du moisi! C'est quoi cette purée? Du céleri? Ouf, parce que pour une purée de patates, elle avait l'air malade! Déjà mangée et vomie... " Quand on a des légumes et viandes trop durs ou élastiques: "Purée, ils pourraient les tuer avant de les cuisiner, c'est encore vivant!")
Comme vous pouvez le constater, on ne s'ennuie pas au réfectoire! Le fait d'être au régime fait de la bouffe un de nos sujets favoris, on échange des recettes, on fantasme: steak frites, forêt-noire... Chacun cite son plat préféré, suivi par un concert de "Mmmm!"
Récemment j'ai râlé parce que mes camarades avaient un fromage blanc nature, moi un yaourt nature. Nanmého. J'ai boudé (en riant sous cape). Dit que j'entamais une grève de la faim si je n'avais pas mon fromage blanc. Pfff! On a ri! (faut dire que j'ai de quoi tenir avec mes réserves avant de souffrir...)
*Je finirai avec ma mésaventure d'il y a quelques jours: j'ai failli me noyer dans mon bol de café! Si si!!! (titre des journaux: "Mort tragique d'une jeune enseignante handicapée au centre MGEN, noyée dans son bol de café...")
Petit dej. Je suis en t-shirt, assise sur le lit, mal réveillée, bah comme d'hab, hirsute, devant le "morning" de M6, débile et trash comme émission, j'adore! Riant comme une baleine (c'est vrai en plus que j'ai un petit air de baleine échouée le matin, sur mon lit, à moitié dans le brouillard! Arf!) Je déguste avec application mes 3 tranches de pain complet avec ma minuscule plaquette de beurre. J'avale mes médocs. J'ai 2 grands bols de café avec 2 dosettes de lait concentré. (une serveuse avait renversé un peu de café un jour, j'ai demandé du rab de café, depuis j'ai 2 bols tous les matins nananèreeeuh! Mdr! Cool!)
Je mastique encore une dernière délicieuse bouchée de ce pain qui provient de la pâtisserie d'en face du centre. On frappe. Une de mes serveuses préférée au regard malicieux et pince sans rire! On a déjà plaisanté au réfectoire... Elle voit que je mastique encore et qu'il reste du café. Propose de revenir plus tard. Je dis:"Nan nan, c'est bon, j'ai fini, vous pouvez ramener le plateau!" (bah oui, j'ai besoin de la tablette pour mettre mon portable et surfer sur le net!). J'avale le pain, attrape le bol, souris, et entreprends de le vider d'un trait. Ah ouais, seulement il y avait un peu beaucoup de café finalement lol! Je m'entête. J'ai les joues gonflées de café façon écureuil. C'est ridicule. J'en ai conscience. La serveuse médusée me regarde, sourit. Je ne parviens même pas à avaler tellement ma bouche est pleine. Elle s'en rend compte. Son regard en dit long. Croise le mien. Devant le comique de la situation,je pouffe, m'étouffe à moitié, avale de travers. Elle s'inquiète: "ca va?!" J'éclate de rire, attrapant la serviette dans un glouglou de café et de fou rire, recrachant discrètement le trop plein! Je tousse copieusement tandis qu'elle rit, encore un peu soucieuse. Je dis, toute rouge "Ca va, pas de souci" et tousse et ris de plus belle.
Le midi, au réfectoire, elle s'arrête à ma table et me dit: "Vous m'avez fait peur ce matin". Moi: "Meuh nan, faut plus que cela pour me clamser!" On rit et je raconte à mes voisines de table qui s'esclaffent. A la fin du repas il reste un fond d'eau dans mon verre. Hem. La serveuse arrive pour débarrasser. J'esquisse un geste pour finir en vitesse, boire cul sec, puis je me ravise, laisse: une fois, ça suffit! Rires!
Il y a encore la fois où le charmant serveur du soir, en ramassant la bouteille d'eau vide que j'avais voulu shooter dans la poubelle placée trop loin, a shooté avec moi. Et raté hihi! Il a dû s'y prendre à 2 fois.
Bref, ils sont adorables et stylés, on sent la formation hôtelière. On adore les dérider, les faire rire. Et avec nous, il y a de quoi!
BOULANGERIE PÂTISSERIE: l'enfer, la tentation à portée de regard et d'estomac!
En face du centre, le pays de Cocagne! Dans un cadre soigné, une vitrine alléchante, des gâteaux, tartes, viennoiseries, pralines, pains etc... délicieux. Des glaces maison. Une chantilly à damner une religieuse! 
La légende (?!) ou plutôt la rumeur dit que c'est un ancien cuisinier du centre qui a ouvert cette boulangerie/pâtisserie. Pas fou le gars, il a eu tout loisir de voir les "ronds" se décomposer devant les desserts, saliver et baver , béats et babas devant les babas destinés aux "normaux". Il a vite compris comment faire fortune. Régulièrement, des "ronds" honteux traversent la route, la mine coupable, sous prétexte d'emmener leur famille et autres visiteurs prendre un café, et pêchent! Ahhhhhhhhhhhhhhh! Craquent pour la torche marron, le pain au chocolat, le chocolat liégeois... MDR!
(Le magasin livre également du très bon pain au centre.
Il vend des kougelhopfs, minis ou normaux, les minis sont servis au petit dej du dimanche aux "normaux", en alternance avec une brioche au sucre... Mmmm! La vache!)
Lorsqu'un patient a son annif, c'est un prétexte à l'orgie. Faut être discret, ne pas se faire repérer (tu parles, on nous voit de loin lol, les inf, ergos etc... et la nana de l'accueil sait très bien où va la petite troupe de "ronds" qui sort du centre sous prétexte de randonnée pfff! Elle fronce les sourcils.), prendre un air détaché et affamé au retour, ne pas roter, essuyer la moustache de chantilly ou de chocolat... et nier! Même si les preuves sont accablantes, si les miettes nous trahissent et racontent ce pour quoi nous avons craqué! Soutenir mordicus qu'on a du retard en ergo parce que les ouvriers bloquaient le couloir avec leur échelle... Et vite, à la dérobée, avec délices, lécher ses doigts pleins de sucre...
Lamentable! LOLLL!
Tiens, faut que je pense à emmener REUTEULEU y goûter les thés exotiques, russe etc..., il a un rite de dégustation de thé. (bergamote, Earl Grey)
Me voilà à faire un régime dont je me fous royalement. Me fous de ce que je perds. Je suis la seule à avoir d'autres priorités que la pesée hebdomadaire! Ca stresse ceux qui sont à ma table. Surtout quand je perds plus que certains qui font des randos, du sport à mort, rien qu'en pédalant sur mon Motomed lol! Moi qui suis paraplégique. Rhalala, la vie est si injuste!
*J'ai une pensée particulière pour le médecin qui suit habituellement les "ronds". Il culpabilise, nous rappelle ce que nous coûtons à la sécu avec les maladies cardio-vasculaires etc... qui découlent de notre embonpoint... Son discours il y a 13 ans a fait déprimer une amie qui est allée droit à la pâtisserie noyer son chagrin sous une montagne de chantilly...
Pauvre toub: il y a quelques semaines, il était hospitalisé: infarctus. Le choc! Sa maigreur ne l'a pas protégé tiens tiens! (immense et maigre, le gars, sec) Va nous coûter cher!
Mais nous, on ne le lui reproche pas. On sait la souffrance. On lui souhaite un prompt rétablissement, et qu'il revienne vite plomber le moral aux "ronds"!
